Nos plaisirs
Mon mari aime que je lui fasse la lecture.
Aussi,
certains soirs, nous nous installons confortablement et je commence.
J'aime
lui lire des histoires, je lui laisse les essais historiques, les
récits de bataille, les théories économiques et
autres recherches scientifiques qui me barbent et auxquels je ne
comprends rien.
Les
nouvelles de Maupassant, celles de Somerset Maughan ou de Saki, et
les histoires de sheik Nasrudin sont nos favorites.
Mais
il arrive aussi que nous nous laissions embarquer loin de nos
lectures habituelles.
Il
a gagné, un jour, sur une brocante, à la tombola des
œuvres des trois moineaux ou de l'ouvroir des tourterelles du
troisième âge, un livre qu'il s'est empressé de
m'offrir avec les enfants encore petits, dès leur retour.
La
couverture était d'un romantisme absolu, jupe qui vole,
débauche de couleurs rose et violette, décor champêtre,
et un titre qui ne présageait rien de bon. Comme c'était
un cadeau, j'ai fini par le lire. Comme je suis plutôt
partageuse, j'ai décidé qu'il profiterait aussi de
cette lecture.
On
n'a rien regretté. On a ri. Beaucoup. Mais c'est qu'on manie
le second degré avec obstination .
On
a ri devant les phrases alambiquées, sur l'abondance de grands
sentiments, on a parié sur le dénouement et on ne s'est
pas trompés. On a ri. Et encore maintenant, parfois, il me dit
: « Tu me lis dans un grand vent de fleurs». C'est la
promesse d'une franche rigolade.