Distinction et discrétion
Les bonneteries sont parfois des lieux raffinés, où on parle à voix basse comme à confesse.
A la maison des bas, deux vieilles dames vous recevaient avec beaucoup de retenue, s'inquiétaient de vos désirs. Elles vous menaient à un boudoir à l'étage et vous demandaient votre taille.
Elles prenaient vos mesures à l'aide d'un mètre de couturière qui ensuite reprenait sa place autour de leur cou. Elles vous apportaient ensuite l'objet en prenant soin de frapper à la porte. Pendant les essayages, elles se faisaient discrètes, ne s'imposaient pas ; si vous le souhaitiez, elles vous donnaient un conseil toujours à mi-voix.
Quand vous aviez trouvé le joli dessous qui mettait votre silhouette en valeur, elles redescendaient et notaient sur un cahier, à côté de votre nom, la taille.
Ces deux charmantes dames ont pris leur retraite et vendu la maison des bas qui est devenue "Déborah".
J'y suis revenue. La nouvelle a bien transformé la boutique. C'est affriolant, plein de couleurs, un peu coquin. A la maison des bas, on pouvait aussi, si on le demandait, trouver de jolis riens tout en dentelle. Mais ils ne s'affichaient pas.
Maintenant, fini le boudoir à l'étage, il y a une cabine d'essayage exigüe à coté de la boutique, juste fermée par un rideau.
Essayant un soutien-gorge, sans faire tomber les vêtements, sans jurer comme un charretier quand je me cogne aux parois trop serrées, je me contorsionne pour accrocher l'agrafe.
Le rideau se soulève comme par une bourrasque:" Mais non, chérie, faut pas serrer comme ça, t'as l'air d'un rosbif ! " clame la tenancière.
J'ai trouvé ce je cherchais mais je ne suis pas sûre de revenir.