Ite Missa
On
n'oubliera pas le p'tit gars au missel.
On l'oubliera pas.
On oubliera peut-être la vieille pleine de poux, celle qui avance à genoux, qui crie quand on la frôle, qui éternue dans des drapeaux, des grands mouchoirs multicolores, qu'elle agite en signe de paix.
On n'oubliera pas le gars regarde les filles derrière ses mains jointes. En ricanant, il fait tinter sa clochette et tout le monde baisse la tête. Son œil en biais louche entre les genoux des paroissiennes du premier rang.
On oubliera la Marie-Rose qui dit amen dans un sanglot, qui plie le dos sous son fardeau, une croix géante qu'elle s'invente chaque jour.
On n'oubliera pas celui qui bouge. Quand il revient du tabernacle, dans le reflet bleuté des grisailles, il avance comme un vainqueur.
On oubliera sûrement la petite Maria, son manteau rebondi et son châle gris, son accent et ses yeux tristes. On oubliera d'où elle venait.
On oubliera la famille Chose et ses enfants en rang d'oignons qui chantent des fois, mais pas souvent.
On n'oubliera pas l'affreux jobard, ses mains cachés dans son surplis et ses croquenots crottés en-dessous. On n'oubliera pas son air roublard, ses mimiques affolées quand l'autre fait mine de se retourner.
Allez, on se lève une dernière fois, on n'écoute plus, ite missa.
Quand c'est fini, chacun s'en va.
On l'oubliera pas.