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c'est du tout venant
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4 janvier 2009

La première fois

La rue des Martyrs est longue, je ne dois pas descendre du trottoir, ni marcher sur la bordure. Dans ma main fermée serrée, j'ai des pièces de monnaie, alors je ne peux pas retourner les têtes de bergère qui tiennent les volets. Je le fais souvent dès que ma mère ne me regarde pas. Quand elle me voit faire, elle me gronde, elle dit que ce n'est pas bien, qu'après les volets claquent et que ça embête les gens. Mais j'aime bien les retourner. Il y a des têtes avec un béret penché et les belles, avec une dame avec une grosse poitrine. Mais là, j'avance sans longer le caniveau, sans jouer avec les volets. La rue est longue, c'est loin. Quand je suis avec maman, c'est moins loin. Je passe devant l'école et puis devant la mairie et le logement de l'appariteur. Il s'appelle «  Jacky Jacques ». C'est le papa de Patricia. C'est beau comme nom « Jacky Jacques ». Patricia, c'est la cousine de Pascal Piot. Et Pascal Piot, il est le premier de la classe avec moi. Même qu'à la fête de l'école, je suis la reine des fleurs et il est le roi. Je suis une marguerite, parce qu'un costume de marguerite, c'est plus facile à fabriquer qu'un costume de rose.

Après la mairie, il y a des maisons avec des perrons et des petites marches. Je ne monte pas sur les marches comme d'habitude, je ne saute pas en redescendant. J'avance droit devant. L'épicerie fait l'angle de la rue. Une clochette tinte quand je pousse la porte. Je dis bien bonjour et je sais ce que je dois demander, je l'ai répété à maman avant de partir.

« Un kilo de farine, s'il vous plaît, Madame. »

J'ouvre ma main sur la grosse coupe en verre épais. Les pièces collent un peu à ma main. La dame prend les pièces et va chercher dans un bocal, un petit Jésus en sucre en me disant de le manger tout de suite. Je prends le paquet de farine dans mes bras. C'est lourd. Il va falloir le porter sur tout le chemin du retour. Et la maison est là-bas, au bout de la rue. Je marche sur le trottoir. Je vois maman au loin qui m'encourage. Elle n'a pas quitté le pas de la porte. C'est la première fois que je vais seule faire les commissions.


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Commentaires
B
Mère Castor > C'est l'avantage du village sur la ville, on laisse aux enfants plus de libertés souvent.
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L
C'est un beau souvenir, Berthoise, et bien dit. Je me souviens des trucs pour les volets en forme de bonshommes, en vacances... A cet âge là j'habitais un cinquième étage, et personne n'aurait pu me surveiller du bout de la rue. Trop haut.
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B
Marc > Ce serait drôle de raconter nos premières fois, quelles qu'elles soient.<br /> <br /> Aline > Merci Aline et bienvenue.
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M
Oui moi aussi j'ai connu le petit jésus en sucre. Nous t'accompagnons dans cette rue et de première fois en première fois nous changeons et grandissons. .
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A
Très joli ce chemin bordé de poésie.
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