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c'est du tout venant
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28 août 2009

Emma ?

C'était une femme efficace. Ancrée dans les réalités, ses qualités professionnelles étaient reconnues. On louait son écoute, sa vision claire des situations, son pragmatisme. On écoutait son avis qu'on sollicitait souvent. Ses collègues savaient qu'ils pouvaient compter sur elle et qu'elle ne se laissait pas bercer par les belles idées à la mode sans rapport avec l'aspect concret de leur travail.
C'était une mère heureuse. Ses enfants grands maintenant avaient bénéficié de sa présence et de son attention. Elle était bien encline parfois à quelques brusques coups de colère aussi imprévus qu'inexplicables mais ses enfants savaient que si leur mère était soupe au lait, elle revenait vite à une attitude posée et plutôt bienveillante. Ils abusaient un peu de sa sollicitude mais reconnaissaient sa disponibilité. Quand on leur posait la question, ils répondaient sincèrement qu'ils s'entendaient bien avec elle.
C'était une épouse comblée. Le couple qu'elle formait avec son époux était stable. On ne leur connaissait pas d'aventures et ils semblaient s'entendre avec tendresse et complicité. La fougue des premières années était bien sûr un peu tombée mais il continuait à la désirer et lui prouver son amour dans des étreintes qui les satisfaisaient tous les deux. Elle était heureuse et ses amis lui enviaient un peu son aptitude au bonheur.

Toutefois, elle était atteinte d'un mal que certains auteurs ont décrit avec pertinence et talent. Elle souffrait de trop rêver, non pas qu'elle trouvât quelques motifs de frustration dans sa vie, mais elle aimait pimenter son quotidien de chimères amoureuses.

L'objet de ses divagations avait longtemps été un homme qu'elle croisait régulièrement depuis ses 18  ans. Ils avaient fréquenté le même cercle d'amis. Elle en avait été vaguement amoureuse, mais il n'en avait rien su. Puis le temps avait passé, ils avaient fondé une famille chacun de son côté et s'étaient revus plus tard grâce à leurs amis communs.

C'était un homme de spectacle, musicien, brillant, solaire. Les spectacles qu'il montait avaient un peu de succès dans leur région. Elle prenait parfois des billets pour assister en famille aux concerts qu'il organisait. Mais c'était lors des fêtes entre amis qu'il lui faisait la cour, lui glissait des compliments à l'oreille, osait un geste tendre. Un jour, il lui avait chuchoté en l'embrassant pour la saluer qu'elle devenait plus belle à mesure que le temps passait. Il avait ajouté à l'adresse de son époux qu'il l'enviait. Elle en avait rosi de plaisir. Un autre jour, il lui avait pris le visage à deux mains comme pour lui plaquer un baiser à bouche que veux-tu. Un soir, devant une assemblée de copines avec qui elle chantait à tue-tête un hommage à leur hôte, il s'était mis à genoux à ses pieds en lui baisant la main. Tout le monde en avait ri, elle aussi, mais elle en avait été émue plus qu'elle n'aurait su l'avouer. Dans les jours qui suivaient leurs rencontres qu'elle attendait comme autant de rendez-vous galants, elle revivait avec fièvre ces courts instants, leur attribuant une signification qu'ils n'avaient sans doute pas. Elle imaginait des rendez-vous tandis qu'elle menait ses tâches quotidiennes. Elle conduisait, travaillait, cuisinait en répétant des dialogues dignes des romans les plus sirupeux. Elle se voyait refusant des parties fines, au nom de la morale, de l'engagement, du respect. Elle versait une larme sur son renoncement. Elle se regardait dans les miroirs, se voulait séduisante pour pouvoir dire non et donner plus de poids à son abnégation. La vie était plus excitante. Quand elle pensait à ces moments et à ses gestes, sa respiration devenait plus ample, son ventre s'alourdissait, plus présent, et son sexe comme un fruit mûr se gonflait. Elle rêvait qu'il vienne y mordre et la libère de la tension qui montait en elle. Elle se tournait alors vers son époux, réclamait ses caresses, appelait ses baisers. Il répondait à son attente, ignorant que son désir était nourri par un autre que lui.

La bella Rafaela

                                               Tamara de Lempicka

Cet homme n'était pas le seul. Ils étaient plusieurs qui la séduisaient par leur humour ou leur talent dans des domaines qu'elle admirait. Ils étaient ainsi nombreux à défiler dans son lit sans le savoir.

Et puis tout s'apaisait, elle oubliait jusqu'à la rencontre suivante.

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Commentaires
B
Nadège > Ce matin, 3°, il n'a pas encore gelé. De quoi te plains-tu ?<br /> Je suis contente que ce texte te parle.<br /> Joye > Ahh ! me voici rassurée.<br /> Mère Castor > il s'imagine peloter la dernière bimbo à la mode, celle qui a des gros seins et un pétard d'enfer.:D Alors Emma profite elle aussi.
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N
Bonjour Berthoise.<br /> Ton texte fait étonnament écho à certaines réfléxions qui m'occupent en ce moment, ton Emma ressemble fort à cette chère Emma Bovary. <br /> Les femmes rêvent c'est un fait, la description que tu en fait est pleine d'humanité.<br /> Dernièrement j'ai entendu dire que l'amour était une affaire d'hommes, que les hommes s'attachent davantage affectivement que les femmes... Peut-être n'aimont nous pas de la même manière, en tout cas une chose est certaine c'est que nos attentes sont différentes.<br /> <br /> Ravie d'être de retour dans l'Oise même s'il y fait un peu frais.
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J
Oh, je l'aime aussi ! La conscupsicence, c'est pas un mal, sauf aux yeux de l'Église, et je ne suis pas pratiquante. ;-)
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L
à quoi et à qui donc, pendant ce temps, rêve l'époux d'Emma ? est-il dupe ou complice de ces rêveries dont il est au final le "bénéficiaire" ?
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B
Brigou > Le plus heureux l'époux ? Le tempérament d'Emma tourne à son avantage, Oui.<br /> Joye > J'aime bien cette peinture, certes un peu lascive.
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