Un soir
Sur ma vie, c'est vrai. Rien n'est plus vrai que cette histoire. Je la raconte, on me regarde comme si j'avais bu, mais moi qui suis sobre comme un chameau, qui n'invente rien, je ne fais que dire la vérité vraie telle que je l'ai vue en ce soir de mai. J'étais partie avec une jeune bichette, la dernière de ma couvée. Elle voulait aller voir de quoi son avenir serait fait. Je l'ai conduite jusqu'aux portes de son futur. Fermées. Je la couvais du regard comme une merveille. Dans le ciel qui s'ombrait de crépuscule, les nuages bleus rivalisaient avec l'éther. Je me sentais le cœur en attente, je regardais ma merveille du coin de l'œil. Elle avait un cou tendre de faon apeuré avec une veine qui battait. L'azur se teintait de sombre et le soleil comme un gros disque descendait vers les champs de colza. Elle avait du chagrin, une histoire d'échec, des soucis d'avenir, des tracas d'enfant grandie. Elle sanglotait et reniflait son désespoir. J'avais envie de la bercer. Je lui disais : " Ce n'est pas grave. La vie est là pour toi, rien n'est perdu, tu es déçue, mais tu recommenceras et tu y arriveras." Mes bras auraient voulu se tendre pour la bercer, la protéger. Au lieu de quoi, je lui tendais des mouchoirs en fixant la route et le déclin de l'astre avait des allures de naufrage.
Poulette n'est pas admise à l'IFSI de Pontoise, on attend demain les résultats de Beauvais.