Une histoire
J'avais une idée, une idée qui me plaisait bien. La base, le point de départ d'une petite histoire, d'un truc où j'avais à dire. Ça y est, ça me revient. Voilà la phrase qui tournait en boucle. C'était: " Des deux, j'ai le malheur d'être celui qui aime le moins."
L'idée me plait bien, elle prend à rebours la généralité qui veut que, dans un couple, celui qui aime le plus est le plus malheureux.
Il me faut donc planter un couple. Un couple installé, s'il s'agit d'une amourette, mon histoire n'est pas crédible, on se quitte et c'est fini, on n'en parle plus. Un couple installé, alors plus très jeune, c'est vrai quoi, généralement on papillonne un peu avant de s'installer. Alors quand on s'installe, on n'a plus vingt ans. Et puis la passion des vingt ans ne se prête pas à mon histoire. Et la passion installée, c'est un affreux contre-sens. Voici donc, un couple plus très jeune, un homme-une femme. Je n'ai rien contre les gays, mais là, c'est un homme-une femme. J'hésite... Lequel des deux aime le plus, l'homme ? la femme ?
Il faut se décider, ce sera l'homme qui aime le plus. Je sais, plus haut, vous pouviez croire que c'était l'inverse, mais on a le droit de changer d'avis et puis c'est mon histoire, c'est moi qui décide. L'homme aime sa femme plus qu'elle ne l'aime. Attention, ça ne veut pas dire qu'elle ne l'aime pas. Il s'agit de ne pas tomber dans la caricature, sinon mon histoire va verser dans les lieux communs de la jalousie et du drame passionnel. Ils mènent une petite vie tranquille, sans histoires. Sans histoires et voilà le hic de mon aventure, s'il n'y a pas d'histoires, comment vous intéresser cette histoire ?
Jacob Adriaensz Backer (Harlingen, 1608 - Amsterdam, 1651),
Portrait d'un couple âgé
© Reims, musée Hôtel Le Vergeur