À la chasse
L'autre jour, dans la nuit et le brouillard, j'ai croisé un lièvre. Je n'ai pas accéléré pour le percuter comme le faisait mon père quand j'étais gamine. Il se dépêchait ensuite de le ramasser, de le faire pisser, et le rapportait à ses parents pour qu'ils en fassent du pâté. Le pâté de lièvre de Pépère et Mémère était très bon, leur pâté de lapin aussi. Mon père coursait aussi les poules faisanes dans les champs. Pourtant, personne n'était chasseur dans la famille. Pas chasseur, juste braconnier. Pas par goût du sang, juste par nécessité. On prenait les protéines où on les trouvait, et le boucher était trop cher. Chez mes grands-parents, il y avait aussi un cochon, au fond du jardin, pas très loin de la tinette. Il ne fallait pas s'en approcher. Du cochon, parce qu'à la tinette, on pouvait y aller, à moins de préférer les buissons dans les bois des alentours.
Moi non plus, je ne chasse pas. Je ne course pas les poules faisanes. Je ne percute pas les lièvres en voiture. Je ne sais pas les faire pisser. Mais, je donnerais cher pour manger une tranche de pâté sur une tartine de gros pain comme on en mangeait chez mes grands-parents.