Pensée des morts ( sans me prendre pour Lamartine)
Au hasard de mes déambulations sur la toile, je suis arrivée sur le blog d'une dame qui regrette le temps passé, qui refuse l'idée de progrès, qui veut qu'on soit entre soi tout en affirmant tout de suite après qu'elle n'est pas raciste, qui trouve qu'il y a trop d'état, de fonctionnaires ( tous des fainéants), d'impôts bref une dame dont les idées me gênent et me mettent très mal à l'aise. Je suis partie sans laisser de traces. Je n'y retournerai pas.
En cet automne gris et pluvieux, en ce jour des morts gai comme une veillée funèbre, je ne regrette pas le temps passé. Il ne fait pas bien chaud, l'humidité transperce tout et j'ai du mal à me réchauffer. Pourtant, j'ai bien mangé ce midi, j'ai pu faire réchauffer les plats pris chez le chinois dans le four de la gazinière qui répandait une douce chaleur dans le cocon de la cuisine. On était sortis chercher le pain et le journal. Mon mari, en passant devant le traiteur asiatique m'a suggéré d'y prendre le repas de ce midi. Bonne idée, ma foi. On a couru entre les flaques d'eau avec nos parapluies, on peut être joueurs, mon mari et moi. On était bien chaussés, nos chaussures ne datent pas de cette année, mais elles sont solides et chaudes et puis en rentrant on pouvait toujours se changer si le besoin s'en était fait sentir. Après la vaisselle, oui, le lave-vaisselle a rendu l'âme, on attend le nouveau lundi matin, j'ai rangé du linge et fait un peu de tri dans mes armoires, elles ont tendance à déborder, j'ai mis de côté quelques tee-shirts. Oh, ce n'est pas qu'ils soient usés, ils ont juste un peu fatigués et puis je les ai trop vus. Le chat tourne autour de moi, je ne sais pas s'il réclame sa pâtée ou des caresses. Des caresses, je crois, puisqu'il vient juste de s'installer sur mes genoux, je suis assise à mon bureau où je prends un peu de bon temps pour vous écrire. Mon mari dans le salon s'active autour de la cheminée. Le bois qu'on a fait livrer le déçoit. On avait commandé cinq stères qu'on a rentrés comme des courageux, mais il n'est pas très sec et fume pas mal. Heureusement que la chaudière ronfle et assure un minimum de douceur dans la maison. Demain, je rejoins mes parents en forêt de l'Isle-Adam, ils organisent une sortie mycologique avec un pique-nique. On va marcher toute la journée, je prendrai aussi quelques photos.
Je fais partie de la classe moyenne. Je suis instit', mon mari est à la retraite, il était cadre technique, informaticien. Nous ne sommes ni smicards, ni miséreux. Nous n'avons toutefois pas une pension et un traitement à faire pâlir d'envie. Nous payons nos impôts, nous entretenons nos enfants étudiants en finançant leurs études et en leur offrant logement et nourriture sur le lieu de leur école. On compte. On ne vit pas à crédit. Il y a des choses qu'on ne peut pas s'offrir. Mais j'ai un confort de vie que n'avaient pas mes grands-mères. Je ne regrette pas le temps passé, la corvée d'eau, de linge, de bois, le froid, la faim, pas la famine, mais la sensation de n'être jamais rassasié.
Je sais que je vous ai déjà servi ce couplet. Je ne me renouvelle pas. Mais chaque fois que je vois sur un blog quelqu'un pleurer sur l'ancien temps, je pense à mes grands-mères et je me réjouis de vivre aujourd'hui.