Un tableau, une histoire de Lakévio : Une si jolie veste.
Je les ai vus. Enfin ! Je savais où ils avaient rendez-vous et à quelle heure. J'y suis allée un peu en avance, l'histoire de repérer les lieux, de ne pas être prise au dépourvu quand il faudra agir. Elle, elle a eu un peu de retard. Il a attendu.
J'ai grincé devant la veste en velours, celle qui va bien, qui lui fait une silhouette de rêve. J'en ai cherché une comme ça. Chou blanc, je n'ai rien trouvé qui m'aille. Évidemment pour elle, c'est plus facile. Elle est fine. Élégante aussi avec son bun et sa nuque dégagée.
Je les ai regardés un moment. Apparemment il y a de l'eau dans le gaz. Il ne fait pas un geste vers elle, il garde ses mains dans ses poches au lieu de l'enlacer. Ça ! Il ne supporte pas les retards.
Je n'en crois pas mes yeux. Il a l'air mauvais, cet air que je lui connais si bien et que je croyais m'être réservé. Je suis trop loin pour entendre ce qu'il lui dit, pour entendre ce qu'elle lui répond. Mais je peux comprendre, je le connais si bien. Il lui fait des reproches en sifflant entre ses lèvres serrées. Je connais cette humeur, je la connais si bien. Elle aussi visiblement. Elle baisse la tête, elle sait qu'il est inutile de se défendre, ça ne fait qu'envenimer les choses, qu'exacerber sa hargne.
Ben mince. Heureusement qu'ils sont dehors, je crois qu'il est mûr. À point pour l'explosion de colère et son cortège de violence. Bon, dehors, il se tient. S'il te propose de le suivre, n'y va pas. Quoi ? J'ai pitié ? La solidarité féminine ? Laissez-moi rigoler. Moi qui voulais profiter de sa présence pour faire une scène : un flagrand délit d'adultère, c'est l'occasion révée pour se libérer de son conjoint devenu bourreau, moi, me voilà engluée dans la pitié et le besoin de la protéger.
Allez, ma fille, faut te remuer, tu l'as, ton flagrand délit. Tu lui craches ses quatre vérités, à ce tyran des alcoves et au lieu de partir seule en te drapant dans ta dignité, tu la prends par le bras et vous partez comme des vieilles copines en le plantant là.