Un tableau, une histoire de Lakévio : Bain de mer
Tracey Sylvester Harris
Votre histoire devra être "étoffée" autour de la phrase suivante :
"Ah ! qui n'a pas eu envie d'un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce qu'est un bain de mer pris le matin en Méditerranée."
Devant cette consigne, je me suis demandée : " Suis-je concernée ?" Ai-je déjà pris un bain de mer en Méditerranée le matin ? Je suis une femme de l'Atlantique, de la Bretagne et ses rias."
La mémoire, mon Dieu, la mémoire est capricieuse. Bien sûr, en y réfléchissant, bien sûr ai-je pris des bains de mer le matin dans la Méditerranée.
Un soir de fête, chez mon ami Frédéric, il avait placé une affichette : " Cherche homme ou femme pour distribuer préservatifs en fin de soirée autour du 14 juillet sur l'Ile du Levant ".
Je ne suis pas spécialement du soir, ni de la nuit, mais l'idée m'amusait. Alors, j'ai dit à Frédéric que je l'accompagnerais.
Et à la mi-juillet, je suis partie, plaquant là mari et enfants pour devenir le temps de quelques soirs une militante de Solensi ( solidarité enfants sida). Et j'ai donné les préservatifs aux messieurs ( à l'Ile du Levant, il y avait beaucoup de messieurs ) et aux dames qui finissaient leur soirée.
Frédéric et son ami logeaient dans une maison assez grande. Et j'avais une chambre isolée avec une entrée indépendante. Le matin, je partais avant les grosses chaleurs, drapée dans un paréo pour le bord de mer. Il n'y a qu'une plage ( dans mon souvenir ) et ce n'est pas là que j'allais. J'allais dans les rochers où il y avait des sortes de plateformes où étendre sa serviette. Ce n'était pas désert, non, mais il n'y avait qu'un ou deux matinaux comme moi. Je nageais dans l'eau bleue, me laissais sécher en lisant. À cette époque, je lisais encore beaucoup et ne savais me déplacer sans emporter un bouquin. Je replongeais, évitais une méduse égarée, savourais la fraîcheur de l'eau après la piqûre du soleil. Et je remontais à la maison quand les gens commençaient à sortir. Ensuite, je restais à l'ombre en écoutant les cigales.
Je ne me souviens pas du pastis, il n'est impossible que j'en ai bu. J'aime bien le pastis noyé d'eau très fraîche.
Avec ou sans pastis, ces bains avaient le goût délicieux des instants volés à la vie familiale certes heureuse mais parfois un peu routinière.