De rouge vêtue avec mon petit panier
Je n'ai pas l'âme d'une militante, les débats d'idées m'ennuient, je ne sais pas défendre mon point de vue. Les cris, les coups de gueule, les prises de bec, les envolées verbales, les joutes oratoires ne sont pas pour moi. Quand je ne peux pas m'échapper physiquement, ce que je fais dès qu'une porte de sortie s'ouvre à moi, je me mure dans un silence têtu, je me fais tapisserie, je deviens invisible. Je prie le bon Dieu et tous ses saints pour qu'on oublie ma présence et que surtout on ne me demande pas mon avis. C'est un peu lâche, direz-vous. Sans doute. Au fond de moi, je trouve ces discussions vaines, car si les autres sont comme moi, et on juge souvent les autres à son aune, ils ne changeront pas de point de vue. Les discours glisseront sur eux comme l'eau sur le canard, sans le mouiller.
Toutefois, j'ai effectué dans ma vie, il n'y a pas si longtemps, un acte militant.
Je vous ai déjà parlé de mon ami Frédéric, celui avec qui je sors à Paris régulièrement. Frédéric est chargé de communication auprès de l'association « Ensemble contre le sida ». Il organise des évènements pour sensibiliser les gens et les inciter à la prévention. C'est un militant, il défend ses idées à la télé, à la radio, dans les journaux, il sait trouver les arguments, il a de la répartie.
Mon ami Frédéric fréquente aussi les hauts lieux de la drague gay. Et moi aussi, par solidarité, amitié, fidélité. Je suis ce qu'on appelle dans le milieu une FAP ( fille à pédés ). Je suis toujours très bien acceptée par ces messieurs qui apprécient ma compagnie. Je n'éprouve aucune gène et m'amuse souvent beaucoup.
Frédéric a eu besoin d'une coéquipière pour une action un soir de 14 juillet. J'ai plaqué mon mari et mes enfants pour l'accompagner, je suis descendue à l'île du Levant pour distribuer des préservatifs aux danseurs du bal des pompiers et aux fêtards de la boîte de nuit.
J'étais mignonne avec mon petit panier rempli de Durex et mon tee-shirt rouge. Je passais de table en table pour distribuer mon modeste présent, je souriais et disais: « Bonne soirée, soyez prudents ».
Depuis,
je me dis que j'ai le militantisme festif.