J'aime pas Noël
J'aime pas décembre. J'aime pas la fin de l'automne, la nuit sans fin, la pluie, la boue, le froid. J'aime pas Noël. J'aime pas les fêtes de famille. J'aime pas les fêtes des enfants, j'aimais pas être enfant. Je serre les dents à Noël et je ne crie pas mais je regarde la gaité factice, les gens ensemble en cette occasion, je guette toujours celui qui va déraper et faire de la réunion, une consternation. J'aime pas les vêtements qui brillent et les choucroutes pailletées. J'aime pas l'ambiance de sucre, de gras, et j'aime pas le champagne. A Noël, j'ai mal au cœur. J'aime pas les boules au chocolat remplies de crème pâteuse et blanchâtre. J'en ai plein la bouche, ça colle au palais. Ça m'englue. Pas un Noël sans qu'on m'en offre. J'aime pas les cadeaux. Je suis toujours déçue. C'est pas ce que je voulais, c'est pas ce dont je rêvais. J'aime pas les cadeaux, je lis la déception dans les papiers froissés. C'est pas ce qu'ils voulaient, c'est pas ce dont ils rêvaient.
A Noël, j'ai mal au cœur. J'aime pas la messe de Noël quand l'église est pleine de gens sur leur trente-et-un mais qui ne connaissent pas les chants. J'ai envie de pleurer à Noël. J'aime pas pleurer. J'ai hâte que Noël soit passé, qu'on retire toute cette quincaillerie et qu'on voit le jour enfin, la vraie lumière, pas celle des guirlandes électriques. Qu'on se calme un peu.
J'aime
pas les bises et les bons souhaits, j'aime pas qu'on m'embrasse. Je
veux aller me coucher à Noël. Je veux qu'on me laisse tranquille.
Qu'on m'oublie, surtout qu'on m'oublie. J'ai mal au cœur à Noël.
A Noël, je voudrais un matin clair, un froid sec et lumineux, un sentier luisant de givre sous le soleil et les arbres gantés de glace. Un bol de soupe à mon retour, un potage épais qui sent le poireau. Un bon bouquin et de la musique, de la vraie, celle qui élève mon âme. Personne, surtout personne, je veux être seule à Noël. J'aime pas Noël.