Appelez-moi Irina
Si vous me connaissiez, vous seriez frappés par mon air slave ; mes pommettes hautes, ma démarche et les couleurs que je porte vous évoqueraient la lointaine Russie et ses hivers sans fin. Du temps que j'étais jeune et légèrement volage, j'aimais bien raconter à mes amoureux que j'avais des ancêtres Russes. Qu'est-ce qu'on ne raconte pas pour se rendre intéressante ? Comme déjà à l'époque, je brodais facilement, plus d'un m'a crue. Ce n'était pas tout à fait faux. Mon grand-père, pas le terre-neuva, l'autre, le père de ma mère, le jardinier, mon grand-père avait une grande-mère ou était-ce une arrière grand-mère qui avait été rapportée de la campagne de Russie par un beau soldat, le père ( ou le grand-père) du père de mon grand-père ( mon trisaïeul ?). Elle avait suivie les troupes en qualité de cantinière, avait donné quelques enfants à son mari puis était morte en couches peu de temps après son retour. C'est ce qui se disait dans les repas de famille, ça vous posait un peu plus que d'avouer qu'on était Brayon de père en fils sans jamais avoir quitté la boutonnière. Un cousin, mal lui en a pris, a voulu faire des recherches généalogiques sur cette branche, peut-être espérait-il trouver un peu de noblesse chez ces campagnards. Il n'a rien trouvé de tel, pas de sang-bleu, mais pas non plus de cantinière Russe parmi nos ancêtres. Actes de naissance à l'appui, il nous a démontré que toute cette légende n'était que faribole et menterie. Le croirez-vous, on en a tous conçu un profond dépit et une rancune tenace envers ce briseur de rêves. Heureusement, mon grand-père n'était plus là pour l'entendre, il avait déjà rejoint son glorieux ancêtre sur la grande plaine froide.