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c'est du tout venant
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9 avril 2010

Défi 101

Voici la consigne du dernier défi

La disparition

Qui a disparu ?

Un proche, votre meilleur ennemi, le "e" de Perec,

le chat de la mère Michelle, vos clés de voiture ?

 Racontez-vous !

et les autres textes sont là.



Où vous apprendrez comment et pourquoi la licorne a disparu.

Cranach l'ancien, Adam et Ève, 1526, Courtauld Institute of Art Gallery, Londres

La licorne, on le sait, est un animal merveilleux qui a disparu de nos contrées. Certains vont même jusqu'à douter de son existence. Mais des peintures témoignent de sa présence, contemporaine à celle du cerf, du sanglier ou de la cigogne, dans les temps immémoriaux. Alors pourquoi, me direz-vous, pourquoi la licorne a-t-elle disparu quand le cerf, le sanglier et la cigogne sont encore parmi nous ? Il faut savoir, chers amis, qu'on a raconté moult âneries sur le paradis perdu, sur la pomme, le serpent, Ève et le jardin.

La licorne, que nous appellerons Licorne était belle, blanche, toujours de bonne humeur et douée d'empathie. Elle faisait partie du bestiaire du premier monde comme ses acolytes le cerf, le sanglier et la cigogne. Elle accompagnait souvent Adam et sa bonne amie dans leurs promenades. Elle était témoin du profond ennui qui accablait ces deux malheureux, car enfin, à Éden, bon sang de bois, il n'y avait vraiment rien à faire. Il faut donc ici corriger une croyance parfaitement erronée : le jardin, ce n'était pas le paradis. Parce que franchement, se balader à poil, au milieu de bestioles toutes plus ou moins sauvages, en grignotant des fruits secs et en mâchouillant des racines, et bien c'est une drôle conception du paradis. Donc, Licorne était de toutes les balades et elle voyait bien qu'Adam et Ève s'enquiquinaient ferme. Aussi dans sa grandeur d'âme, elle décida de trouver quelque chose de nouveau qui pourrait les sortir de leur train-train et apporter un rien d'inattendu à leur quotidien. Chacun sait que l'oisiveté est mère de tous les vices. À force de tourner comme ça, sans rien avoir à faire, c'était couru d'avance, ils finiraient par virer frappa-dingues. Licorne savait qu'Adam n'était pas bien futé. Il suffisait de regarder la façon qu'il avait parfois de se tenir la tête comme pour vérifier qu'elle était toujours là, pour être convaincu du peu d'usage qu'il faisait de son cerveau. Elle savait donc qu'il ne fallait attendre aucune initiative ambitieuse de ce côté-là. Ève était plus maligne mais terriblement timide. Licorne, malgré cette inhibition quasi maladive, était bien décidée à se fier à elle pour faire bouger les choses, parce que au train où elle allaient, dans 3000 ans, on serait encore à disputer son fourrage aux bestiaux et la démographie aurait dangereusement stagné. Licorne avait un plan. Elle commença par se rapprocher d'Ève, elle la suivit, l'invita à monter sur son dos, l'emmena dans des galops exaltants qui changèrent du pas de sénateur imposé par Adam à la pauvre fille. Au bout de quelques jours, elles étaient devenues inséparables car il fut aisé de gagner le cœur d'Ève. La mignonne n'en pouvait plus des fadaises que lui racontait son compagnon. Répéter à longueur de journée qu'on a de la chance de vivre dans tant de beauté et d'harmonie, ça finit par lasser. Et Ève avait besoin de changement. Mais les courses folles, ça a un temps, si elles reviennent trop souvent, c'est bien simple, on se barbe encore. Dans le jardin, il y avait deux-trois trucs à ne pas faire sous peine expulsion et la plus agaçante était qu'il était interdit de croquer la pomme. Franchement, interdire les pommes quand on sait qu'en manger une par jour éloigne le médecin, on se demande à quoi ils avaient le tête en hauts lieux. Et voilà la seconde méprise. Ce n'est pas le serpent qui incita Ève à croquer la pomme et à l'offrir à Adam comme on le dit souvent, comme il est rapporté dans de nombreux ouvrages, mais cet animal attachant et fougueux. Licorne suggéra donc à Ève d'aller sous le pommier et de cueillir un de ces magnifiques fruits si tentants. Elle lui dit : «  Tu verras, ça chasse la morosité. Ça éclate sous la dent, le jus inonde le palais, c'est sucré, frais, inoubliable, indispensable. ». Ce en quoi, Licorne avait absolument raison, croquer la pomme est un des plaisirs simples de la vie, un plaisir dont tout homme et toute femme sensés ne sauraient se passer. Ève était bonne fille, et devant la description de tant de délices, elle décida de partager l'expérience avec Adam. Car, on pourra reprocher à Ève d'être crédule, gourmande mais pas d'être égoïste. Elle aurait pu la boulotter toute seule, la pomme. Et bien non, elle a voulu qu'Adam soit aussi de la partie. Bon, vous connaissez la suite, l'esprit d'initiative n'a pas plu, les deux chenapans ont été chassés du jardin comme de vulgaires voleurs de pommes. Licorne a été tout simplement anéantie par la nouvelle, elle ne pensait pas qu'on mettrait les menaces à exécution. Elle en est morte de chagrin.

Et le serpent, me direz-vous, quid du serpent. C'est une victime collatérale. Comme tous ceux qui sont au mauvais endroit au mauvais moment. Il était là, en plus il était moche, ça en a fait un coupable idéal. La condamnation du serpent montre l'origine du premier délit de faciès de l'humanité. Franchement, vous y auriez cru, vous, que Licorne si mignonne était dans le coup, une à qui on donnerait le bon dieu sans confession ?

 


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Commentaires
L
Merci de rétablir aussi brillamment la vérité, et de rendre au serpent sa dignité première. Puisse t-il siffler tes louanges au plus haut des cieux. Et chapeau pour ce polar édénique nique nique.
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B
Nadège > pas très bien commencée, et les épisodes suivants ne sont guère plus joyeux. On se demande comment tout ça va finir.
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N
Merci Berthoise de nous éclairer sur le vrai sens de l'histoire qui entre nous a très très mal commencé...
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B
Perne > Tu sais, j'habite à 5 kms de la Normandie. Il y a une porte, tu la passes et hop, tu es en Normandie, et puis l'autre branche, celle qui n'est pas bretonne est normande, alors, quand tu dis presque normande, tu énonces une vérité. En vieillissant, on avoue ce qu'on ne peut plus nier. :D
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P
Tu vois ma Berthe, comme quoi on ne connait pas toujours ses amis autant qu'on le croit... J'aurais pensé que tu aurais bondi à l'expression "presque normande"... Kénavo!
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