Rue Forcinal
J'aime bien Popol.
Quand je le croise dans la rue Forcinal, il a toujours quelque chose à me dire.Il me hèle et m'annonce que les salades reçues chez Oldu sont vraiment dégueulasses.
-Arrête-toi, arrête-toi, j'te dis. Faut pas en acheter, c'est rien que de la saloperie.
Il me fait des grands gestes, prend à partie les passants qui baissent les yeux et allongent le pas.
J'aime bien Popol.
Son vélo est décoré comme un arbre de Noël. Il zigzague sur la chaussée, va à droite, va à gauche, tape au carreau des automobilistes qui attendent au feu rouge, leur annonce comme la Bonne Nouvelle qu'on vient de recevoir une livraison de géraniums.
-Non, ils sont beaux, j'te jure, faut y aller, rien que pour voir.
Quand c'est vraiment la dèche, il donne la main chez Oldu. Il charrie les cartons en échange de son repas du soir.
L'autre jour, il me dit qu'il est sans un kopek en poche, il ajoute en riant qu'il est aussi sans souci, que les marchands d'alarme, il n'en a rien à battre car c'est pas possible d'en poser une sur son vélo.
J'aime bien Popol.
Ce soir, je l'ai vu. Il avait planté son vélo au milieu de la chaussée et réglait la circulation à grands coups de sifflet sous les cris des chauffeurs excédés. Quand il en a eu assez , il a repris son vélo, a fait un geste obscène, est parti chez Oldu pour gagner son dîner.
J'aime bien Popol.