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2 octobre 2017

Un tableau, une histoire de Lakévio : Cet été-là

André Kohn peintre russe

André Kohn

 

 Jeu des Papous

1) Commencez impérativement votre texte par la phrase suivante : "Ça a débuté comme ça." (emprunt à Louis-Ferdinand, qui voyage au bout de la nuit.)

2) Terminez impérativement votre texte par la phrase suivante : "En fait, Madame Polant déléguée par la famille avait seule suivi le corbillard." (emprunt à Maurice des Grandes familles.)

Entre les deux, casez ce que vous voulez !

 

Ça a débuté comme ça : la mer, le sable, le soleil et des hommes. Nus, les hommes. Nus au soleil sur le sable. Et moi. Femme. Sur le sable. Et nue. C'était la tenue de rigueur. J'accompagnais mon ami Frédéric pendant ses vacances. Frédéric ne savait pas rester seul. En plus, il était malade. En traitement. Rappelez-vous, les années 90, cette épidémie qui décimait certain milieu, et ce traitement qui épuisait les malades.

Nous étions partis tous les deux avec une petite tente et une pharmacie conséquente. On avait fait des économies sur le budget maillot de bain. Là où nous allions, nous n'en aurions pas besoin.

J'étais allongée sur le sable, nue au milieu d'hommes nus, face à la mer, au soleil. Je lisais. Parce qu'admirer la plastique de ces hommes, ça allait bien un moment. Oui ils étaient beaux, et nus, mais n'avaient pas grand chose à faire de mes appâts que pourtant je ne cachais pas. Alors je lisais. Un roman recommandé par l'amoureux du moment, resté à Paris. " Voyage au bout de la nuit ". Louis-Ferdinand Céline. C'est un roman prenant et j'étais concentrée sur ma lecture. Je ne levais pas les yeux sur la mer, la plage, ni sur les hommes nus qui bronzaient et discutaient. Ils discutaient beaucoup, riaient et parfois disparaissaient dans les dunes. Moi, je lisais au bord de la mer. Elle était calme, la mer. À peine moutonnait-elle. J'étais plongée dans ce roman. Je ne voyais rien. Je n'entendais rien.

Et une vague, un rouleau, une lame me submergea, inondant ma natte et mon roman. Je me relevai d'un bond sous le regard et les sourires, les rires de tous ces hommes nus. Sur cette plage, il y avait une femme, moi. Il n'y eut ce jour-là, qu'une vague. Mais c'est sur moi que la mer choisit de l'écraser. Comme pour chasser l'étrangère. Pourtant, jamais ces hommes n'eurent de réflexions désagréables à mon endroit. Ils étaient gentils, au pire indifférents. Mais la mer, ce jour-là, m'avait désignée comme l'intruse.

Frédéric vieillit, comme moi. Et c'est une bonne nouvelle. C'est la meilleure chose qui puisse lui arriver. La médecine a fait d'énormes progrès. Ses parents qui avaient tant de mal à accepter la nature de ses amours, sont morts et sa famille, ses frères entretiennent avec lui des relations affectueuses.

S'il venait à mourir, nombreux seraient ceux qui le pleureraient et l'accompagneraient pour son dernier voyage. Pas comme ce pauvre Didier, son premier amant, mort à la fin du siècle. Esseulé, abandonné, méprisé, oublié, honni. En fait, Madame Polant déléguée par la famille avait seule suivi le corbillard.

 

Je n'ai pas réussi( cherché ) à caser le tableau dans cette histoire. Histoire vraie.

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Commentaires
O
C'est une histoire vraie et il y en a tant de similaires: je me souviens d'obsèques au début des années 90, le compagnon du défunt, qui avait été constamment présent lors de la maladie et le seul au chevet lors du décès, s'est vu refoulé au fond de l'église par la famille qui voulait l'ignorer. Olivier
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A
belle histoire, réaliste.
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R
Ton récit est merveilleux <br /> <br /> Et tu as respecté les consignes même si comme pour moi la fin n'a pas été facile pour terminer le chapitre <br /> <br /> Hier mon amie est partie sur le chemin sans retour mais elle n'était pas seule , tout le village et alentours étaient là pour elle qui le méritait tant et oui elle va me manquait...<br /> <br /> Bonne journée
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P
Ton texte est très émouvant, Berthoise, Plein d'humanité et de douceur.
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C
Wouaou ! Quand même tu devrais écrire plus souvent.<br /> <br /> Moi ckejendis...<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• 🦋
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